Cette vie
Karel Schoeman - Cette vie - Editions 10/18 - 296 p. - Traduction Pierre-Marie Finkelstein
4ème de couverture :
Seule dans l'obscurité de sa chambre, une vieille femme se meurt et resonge à sa vie discrète, passée à écouter et à observer les autres. Au crépuscule de son existence, elle lève enfin le voile sur les secrets inavoués de son clan et recompose un puzzle intime, pétri de rancoeurs et de douleurs. Sur fond de paysage tissé par le vent, la poussière et le silence, c'est un monde fantôme qui se déploie sous ses yeux, celui des Afrikaners, austères et secrètement ardents, débarqués au début du XIXème siècle, sur les terres arides d'Afrique du Sud. Là "où le pardon n'existe pas".
Mon avis sur ce livre :
Un livre dense et fort dans un style plein de poésie, qui ne peut laisser le lecteur indifférent. A travers les souvenirs de cette vieille femme sur son lit de mort qui se repasse le film de sa vie, c'est la vie solitaire et rude des colons sud-africains que l'on va découvrir. L'Afrique du Sud et le territoire âpre du Roggeveld servent de décor à cette existence ou plutôt à cette "non-existence". Une vie passée sous silence au rythme des saisons et des transhumances qui ponctuent cette histoire austère et forte. Tel un fantôme, dans la solitude la plus sombre et l'effacement le plus total, au milieu de ces paysages mornes battus par les vents et de la poussière, cette femme a vécu comme une ombre au sein de sa propre famille. Elle se souvient de ces hommes et de ces femmes qui ont traversé son existence sans jamais s'arrêter vraiment, elle se souvient de cette mère autoritaire et froide, de la bonté de son père, des domestiques auprès de qui elle passait ses soirées, de ses frères ardents et impétueux... Et les secrets remontent petit à petit à sa mémoire. A-t-elle rêvé ? A-t-elle bien compris les histoires de sa famille et les non-dits du passé, elle la fillette à qui personne ne parlait vraiment ? Elle ne sait plus très bien... mais elle raconte ; et le lecteur devine à travers ses récits les drames qui ont jalonné sa vie. A travers ses souvenirs, elle essaie de revivre le passé et de lui donner un sens dans le but de comprendre enfin les secrets qui ont entouré son enfance. Comment est mort Jakob, son frère aîné ? Qu'est devenue Sophie, la femme de ce frère disparu ? Ou est passé Pieter son autre frère durant toutes ces années ? Mais si les souvenirs remontent peu à peu à la surface, certains mystères demeurent, enfouis dans le silence et dans l'oubli. Un livre magnifique sur cette terre oubliée du Roggeveld, tout en nuances et en demi-teintes dans un vocabulaire d'une force incroyable, créant cette atmosphère si particulière qui sait nous bouleverser par sa poésie et la puissance de ses mots.
Jamais je n'ai lu une histoire aussi forte sur la solitude, le silence pesant, la nature comme un défi qui modèle le caractère des hommes. Cette Afrique du Sud oubliée et dure où le pardon n'existe pas et où la loi de la terre est plus forte que celle des hommes. Elle n'était rien, juste une ombre au milieu des ombres, témoin silencieux des luttes intestines, des querelles familiales, une petite fille sage et solitaire, qui ne disait rien et se contentait d'écouter, qui acceptait son sort sans un mot. A la fin de son existence, cette femme qui a fait du silence son maître, se met enfin à parler, sans doute pour la première et la dernière fois, et à raconter cette vie.
Pays pauvre, pays rude, pays chéri. Comment ai-je pu vivre ici toute ma vie sans jamais te regarder, ou si peu, me contentant de temps à autre de coups d'oeil furtifs qui m'ont laissée inassouvie, brûlant toujours du désir de te revoir ?
Du même auteur :
En étrange pays
La saison des adieux
Retour en pays bien-aimé